Docteur Julien Faugeras
58 rue de Maubeuge
75009 Paris
Jfaugeras@gmail.com
À Paris le 12 avril 2023
Madame, Monsieur,
Je me permets d’adresser ma candidature aux prix solennels de thèse de la chancellerie des universités de Paris car la thèse que j’ai soutenue en 2022 concerne plusieurs champs disciplinaires. En effet, en étudiant la systématisation des erreurs de raisonnement dans la névrose obsessionnelle, j’ai découvert un biais logique caractéristique dont les conséquences, qui dépassent largement le champ de la clinique, sont tout autant sociales qu’épistémiques. Médecine, psychologie, biologie, sciences humaines, sciences politiques ou encore droit ou sciences économiques, j’ai progressivement remarqué que ce biais de raisonnement problématique avait des répercussions dans l’ensemble des champs de la recherche scientifique.
Pour le présenter en quelques mots, ce biais de compréhension repose sur la déformation par ellipse ou par omission qui résulte de la focalisation exclusive de l’attention sur un ensemble clos de représentation. En se concentrant sur un ensemble fermé de représentations, tout en excluant le reste, le scientifique est ainsi susceptible d’adhérer à une fausse compréhension qui résulte précisément de l’isolation psychique de l’ensemble considéré.
En m’appuyant sur de nombreux exemples dans le champ de la recherche, notamment en médecine, en biologie et en psychologie, j’ai pu mettre en évidence que ce biais interprétatif a des conséquences épistémiques et sociales problématiques. Et pour cause, ce biais logique conduit de nombreux chercheurs à soutenir à leur insu des raisonnements erronés, tout en les considérant scientifiques, et à rejeter catégoriquement des raisonnements pertinents, tout en les considérants aberrants. Cette double problématique concernant l’ensemble des champs de la recherche scientifique, je me suis astreint dans ce travail à dégager précisément la structure de ces fausses compréhensions et à mettre en évidence leurs répercussions. En effet, la cohérence illusoire de ces raisonnements elliptiques reposant précisément sur l’isolation psychique d’un ensemble clos de représentations, cette forme de rationalité se distingue donc par sa rigidité et son herméticité. Autrement dit, ces systèmes de raisonnements obtus se présentent comme des raisonnements logiques tout en étant inaccessibles au mouvent dialectique : stérilité ou impossibilité du débat scientifique, refus de toute remise en question, rupture des discussions, clivages, scissions et incompréhensions, les multiples conséquences de ces raisonnements hermétiques sont largement représentées dans le champ de la recherche scientifique.
En permettant de dégager la fonction et la structure de ce biais interprétatif, cette thèse se situe donc au carrefour d’un certain nombre de travaux qui mettent en évidence cette problématique épistémique. Je pense notamment aux recherches du neurobiologiste François Gonon qui a souligné la prédominance de la spéculation dans le champ de la psychiatrie, au professeur de médecine John Ioannidis qui a démontré que « la plupart des résultats de recherches scientifiques publiés sont faux », au généticien Richard Lewontin qui a éclairé l’impact mondiale de cette « rationalité myope », à l’économiste Joseph Stiglitz qui a illustré la dimension illusoire du libéralisme encore à la politologue Hannah Arendt qui a mis en exergue le poids des fausses solutions dans le champ de la politique.
Droit, économie, écologie, médecine, biologie, sociologie, psychologie, politique, ce travail de thèse sur la systématisation des erreurs de raisonnement permet de dégager la structure logique d’un biais interprétatif dont les répercussions épistémologiques et sociales sont plus que jamais d’actualité. Il ouvre ainsi la voie à de multiples recherches dans de nombreuses disciplines et c’est à ce titre que je présente aujourd’hui ma candidature aux prix solennels de thèse de la chancellerie des universités de Paris.