Faisons d’abord les présentations et apprécions l’origine littérale du mot qui excite notre curiosité.
Nous l’avons tous au moins une fois invité à notre programme, invoquant bonnes ou mauvaises raisons. Pour certains, il est comme la petite voix qui nous murmure les tentations, certains la font taire pendant que d’autres se laissent séduire… encore et encore.
Procrastiner, du latin procrastinatio : ajournement, remise, délai [1]
Nous ajournons, remettons à cras c’est-à-dire en avant, au lendemain et faisons délai. Peu utilisé avant le 19ème siècle, l’utilisation du terme procrastination est aujourd’hui propulsée à la première ligne des articles de presse. Quizz, magazines, étude, expérimentation ou encore ouvrages entiers dédiés à la procrastination, notre société semble bien curieuse à l’égard de ce nouveau mot. Mais plus encore qu’un mot nouveau pour décrire une action, l’intérêt pour le phénomène qui se cache au travers de ces quelques lettres est bien plus malicieux. Est-ce la démocratisation du mot qui nous a fait prendre conscience de notre propension à procrastiner ou sommes-nous cette société qui a une tendance croissante à procrastiner ?
La sonorité est aussi mélodieuse que l’action est fluide et sans surprise. Cette mélodie de papier que l’on froisse, c’est cette suite de mots qu’il nous arrive de prononcer « je le ferai demain ». A Paris, en région parisienne, en province, en Méditerranée, Outre-Manche, Outre-Atlantique etc, procrastiner n’appartient pas à une culture plutôt qu’une autre.
Ajournement, délai, remise … si ces mots vous sont si familiers qu’une comptine de votre enfance, il est probable que la remise au lendemain soit devenue cette mélodie que vous n’arrivez plus à vous « sortir de la tête ».
Le moment présent est si délicieux calme ou effervescent, empli de joie ou de colère, de détermination ou de vide, la bien nommée procrastination est d’une évidence implacable ou une réflexion qui tantôt flanche vers l’action tantôt vers la passivité. Hamlet s’interrogeait ainsi « Etre ou ne pas être ? », l’adepte de la procrastination se posera la question : « Faire maintenant ou faire demain ? ». Chacun sait ou peut savoir quelle est la limite entre repousser au lendemain et le faire de manière quasi automatique, répétitive et surtout s’adonner à la procrastination de manière impuissante, comme si elle était plus forte que nous et tellement plus excitante que de faire ce que nous devons faire en temps et en heure.
Le mot « procrastination » admet-il un sens péjoratif ? Pour le Larousse, il est question de « tendance pathologique », pour le Gaffiot, aucunement. Avons-nous amorcé sa péjoration, aujourd’hui ? Tout dépend de comment nous nous sentons avec l’action de remettre au lendemain ce qui peut être fait le jour-même. Comme toute bonne chose, le dosage est maître mot.
Le trop et le pas assez nous aiguillent souvent sur les raisons de nos difficultés, nos écueils. Quand remettre au lendemain devient ingérable, les conséquences sont sources de souffrance. Une souffrance à la fois subie et choisie. Le choix de ne pas faire ce qui doit être fait.
L’appel
Que cela touche à la sphère personnelle, professionnelle, comme le dit l’adage « le devoir m’appelle». Quand il appelle, il faut répondre présent ou c’est à côté de sa vie que l’on passe. Echouer à un diplôme, faillir à sa vie professionnelle, sentimentale, affective, sexuelle, amicale, familiale, amoureuse ou encore citoyenne. Construire nécessite un investissement que la procrastination combat. Et, dangereusement, est-ce un jour se laisser tomber ?
Que faire lorsque cela nous affecte, notre entourage, nos proches, nos partenaires, notre environnement professionnel ? Certainement, s’interroger. Pourquoi fuir au lendemain ? Pourquoi pas maintenant ? Pourquoi attendre le dernier moment, peut-être même celui où il est trop tard. Le coche est loupé. En choisissant d’articuler des questions autour de cette attitude naissent des paroles qui ont une valeur. C’est de ses paroles que l’on en vient progressivement à découvrir les rayons de vérité sur soi. L’édifice s’érige et l’on prend appui sur lui pour maintenir un équilibre de vie : faire des choix (voir notre article sur la rumination mentale), puis les bons choix, respecter sa parole, son engagement, assumer ses responsabilités au travail, en famille, en couple, et sa propre responsabilité envers soi.
Où se trouver ?
Il est des lieux où ces paroles prennent leur valeur, à Paris et partout ailleurs. Des lieux où l’on se trouve, se retrouve, se réalise et où les paroles elles-mêmes se réalisent. Faire la démarche d’une psychothérapie pour mieux gérer sa tendance à la procrastination peut être également sous le joug de la procrastination. Néanmoins, trouver une psychothérapie et la commencer signifie déjà le début de sa propre prise en main. La psychothérapie éloigne la passivité et l’inertie, que l’on peut trouver si séduisantes, au profit d’une vie choisie et vécue.
Être en psychothérapie, c’est avoir pris la décision de ne plus reporter à demain la vie qui s’offre à nous aujourd’hui.
[1] Source : Dictionnaire Gaffiot latin-français, p1243, édition 1934. En ligne. http://www.lexilogos.com/latin/gaffiot.php?q=procrastinatio