
Confronté aux effets de l'hypnose sur de nombreuses psychopathologies, Sigmund Freud a été sensibilisé au poids de la parole sur de nombreux symptômes, tant dans leur résorbtion que dans leur apparition. Il assistait aux phénoménales démonstrations de Charcot à Paris puis inventera avec Joseph Breuer une thérapeutique basée sur le procédé hypnotique dans un premier temps, puis sur la technique des libres associations.
Se détachant de la position habituelle du médecin, Freud a compris ce que traduisait la souffrance corporelle de certaines femmes qu'il recevait à sa consultation. Il s'est ainsi soustrait à cette position de maître pour se laisser guider par les libres associations de celles qui sont véritablement à l'origine de cette nouvelle science : la psychanalyse. C'est ainsi qu'est née la psychanalyse que nous connaissons aujourd'hui.
Si j'insiste sur le positionnement du psychothérapeute et du psychanalyste, c'est justement parce que beaucoup des successeurs de Freud ont orienté la psychanalyse dans le sens d'un renforcement de l'égo. Or, cela va à l'opposé même du traitement psychanalytique qui vise à faire advenir un sujet et non à l'inciter à rester dans l'aliénation, c'est-à-dire dans l'identification en la personne de son psychanalyste. Ce type d'identification peut-être renforcée voire favorisée par la manière dont le psychanalyste dirige la cure.
On doit à Jacques Lacan d'avoir su mettre en évidence ce fourvoiement qui caractérise une certaine orientation de la psychanalyse dans le monde entier. Dès le début de son enseignement, il a mis en exergue la résistance que constitue l'égo au regard de l'avènement d'une parole pleine et libératrice.
Comment un être peut-il parler de ce dont il a le plus honte, de ce qui lui est à la fois le plus intime et le plus étranger, s'il est pris dans les rets de l'image qu'il renvoie à l'autre?
C'est justement ce décalage quant à l'image qui permet à l'être de savoir davantage sur son désir, sur ce qui l'anime et ne plus tenter de coller au désir de l'autre, de ne plus se perdre dans une image qui oriente son rapport au réel.
C'est à Paris, avec les développements de Jacques Lacan que nous pouvons parler finalement d'une forme de renaissance de la psychanalyse.
Ainsi, la psychanalyse à Paris conserve cet héritage freudo-lacanien, cette scientificité qui lui permet de tenir bon face à un mouvement radicalement inverse, d'une thérapeutique erronée qui vise à renforcer le moi, qui se développe sur le modèle américain du coaching et autres thérapies brèves. Il va de soi que l'être humain aime qu'on lui vende l'illusion, il va de soi qu'il est plus facile de renforcer le moi, de s'identifier à l'image d'un maître qui vous guide, qui vous dit ce que vous devez ou ne devez pas faire, qui vous aide à rester dans l'ignorance de ce qu'il y a de plus précieux en vous.
Que le patient ou le psychanalysant souhaite s'accrocher à l'illusion, à l'ignorance, c'est son droit et c'est d'ailleurs la raison pour laquelle il souffre, mais que les psychologues, les psychiatres, les psychothérapeutes et les psychanalystes ("Psys : une confusion massive") évitent eux-mêmes d'interroger leurs désirs inconscients voire même continuent d'ignorer l'inconscient en se fourvoyant dans des thérapeutiques de surface. Cela pose une question éthique majeure, surtout à Paris où l'on trouve des psychanalystes d'excellence, des psychanalystes qui n'ont pas cédé sur leur propre psychanalyse, des psychanalystes qui n'ont pas cédé sur leur désir.
C'est à Paris que Freud va tout d'abord faire une rencontre qui lui permettra de découvrir le poids des pensées inconscientes dans la souffrance humaine. C'est à nouveau dans cette même ville que Jacques Lacan va donner à la psychanalyse ses lettres de noblesses en réarticulant avec finesse la théorie freudienne d'un inconscient structuré comme un langage.