Comme la plupart des troubles de la pensée (les obsessions, les ruminations mentales, la difficulté à prioriser, la procrastination), les problèmes de concentration résultent du combat intérieur que la personne mène à l’égard son propre désir inconscient. Appartenant le plus souvent au tableau clinique de la névrose obsessionnelle, les troubles de la concentration forment un symptôme particulièrement courant.
Pour préciser la nature de ce combat intrapsychique qui engendre les difficultés de concentration, il nous faut reprendre rapidement la découverte freudienne. À la fin du XIXème siècle, Freud a découvert que l’être humain se défend contre des tendances inconscientes qu’il refuse de reconnaitre car elles ne sont pas compatibles avec l’image qu’il se représente de lui-même : pour éviter ces pensées insupportables, nous faisons usage de mécanismes de défense qui nous permettent de maintenir ces représentations inconscientes.
S’il est possible par exemple de refouler certaines pensées que nous jugeons inadmissibles, Freud a également remarqué un autre mécanisme qui consiste à isoler les pensées en rompant le lien qui les articule, comme si elles n’avaient aucun rapport entre-elles.
Caractéristique de la névrose obsessionnelle, l’isolation psychique permet de maintenir à distance des pensées dérangeantes en les maintenant isolées. Mais en coupant les liens logiques entres les pensées, l’isolation va donc à l’encontre de l’idée même de concentration, soit de cette tendance à réunir, à rassembler, à synthétiser. Elle sépare les pensées associées et crée des ilots de pensées de plus en plus circonscrits, déconnectés les uns des autres, dans lesquels l’être peut se perdre et tourner en rond.
Ainsi, l’isolation psychique crée des ilots de focalisation qui accaparent tout l’intérêt et forment des obsessions.
Telles des œillères mentales qui empêchent de voir l’ensemble du paysage, le prix à payer de ce mécanisme de défense obsessionnel affecte la plupart des processus de pensée. En focalisant l’attention sur des détails déconnectés de l’ensemble, les troubles de la pensée que produit l’isolation psychique se représentent à la fois dans des erreurs de raisonnement, dans les obsessions et les ruminations, mais aussi dans les troubles de l’attention et de la concentration.
Par exemple, l’attention portée au détail peut se traduire dans une tendance à la dispersion et à la distraction : en focalisant et en accaparant son attention, n’importe quel élément extérieur ou intérieur peut facilement distraire le névrosé. Si cela s’avère nuisible pour la vie scolaire, professionnelle et familiale, il faut également souligner que la difficulté à se concentrer semble se redoubler dès lors que la tâche à effectuer constitue une demande venant d’un autre. En effet, la fixation infantile qui caractérise la névrose obsessionnelle dans le rapport à la demande peut engendrer une forme d’inhibition qui sature toute possibilité de concentration. Tel un blocage psychique qui inhibe la pensée, la demande de l’autre peut avoir un effet de sidération mentale.
Si l’isolation psychique mène le névrosé obsessionnel à focaliser son attention sur des détails, engendrant des difficultés d’abstraction et de synthèse, elle produit également une forme de concentration rigide et contraignante, une concentration obsessionnelle.
Que tout l’intérêt soit accaparé par un travail, un jeu vidéo, des actions en bourse où même par la confection d’un gâteau, cette forme de concentration exclusive et successive peut amener l’obsessionnel à en oublier les autres parties essentielles de son existence : le travail, la vie amoureuse, l’hygiène… Se concentrant de manière excessive sur une tache au dépend des autres, le fonctionnement « mono-tache » du névrosé peut devenir un enfer, tant pour lui-même que pour son entourage : en ayant des difficultés à prioriser et en n’assumant plus le reste des fonctions nécessaires à son existence, c’est souvent l’environnement qui paie le prix de cette forme de concentration bornée pour laquelle le terme d’obsessionnel est particulièrement bien approprié.
De peur de se perdre en transformant ses projets en obsessions, le névrosé peut facilement trouver des excuses pour ne pas s’y confronter. Qu’il procrastine ou qu’il fasse un travail qui ne l’intéresse guerre, il peut en arriver à éviter tout centre d’intérêt et finalement, s’isoler du monde, de son désir, de son existence.
Pour éviter cette perdition dans laquelle peut le mener ses propres obsessions, le névrosé obsessionnel peut être tenté de mettre en place une forme d’organisation rigide qui dicte son existence. Telle une liste de taches à effectuer comme des rituels, il peut facilement adhérer à des guides de vie qu’il suit de manière machinale. Et au-delà des fonctionnements religieux dont Freud remarquait déjà leur dimension proprement obsessionnelle, nous pouvons remarquer aujourd’hui cette même tendance à l’œuvre dans les « thérapies brèves » et autres coachings de vie. Autrement dit, ces façons de procéder forment à leur insu des techniques obsessionnelles qui visent à éviter les obsessions en les remplaçants par des rituels : faires les mêmes gestes tous les jours, se répéter les mêmes pensées positives tous les jours…
Que ces suggestions ritualisées prennent la forme d’un traitement médicamenteux, de TCC, d’hypnose, de sophrologie, de coaching ou même de méditation, il s’agit de se rendre compte que ces techniques de conditionnements obsessionnelles ne traitent pas la cause du symptôme – soit ne le soignent pas - mais le déplace dans des nouveaux rituels et des nouvelles obsessions.
D’ailleurs, le biais méthodologique qui sous-tend l’illusion d’efficacité de ces techniques résulte précisément de l’isolation psychique : l’attention est concentrée uniquement sur un seul symptôme et sur une temporalité très restreinte. Se voit donc exclu de cette forme de concentration bornée le déplacement du symptôme et surtout, son retour dans le temps. Par cette isolation psychique qui considère le trouble dans un cadre spatio-temporel étroit, le lien entre ce dernier et les autres symptômes se voit rompu, de même que le lien entre ce trouble et ce qui le cause.
C’est cette même façon obsessionnelle de se concentrer – soit avec des œillères – qui engendre des fausses théories bornées comme celle qui participe de la création du DSM ou encore du diagnostic du TDAH. (Sur la question de l’influence épistémologique du fonctionnement obsessionnel dans le milieu médico-social, vous trouverez plus d’informations dans le texte sur « la dérive du champ médico-psychologique ».)
Toute technique qui ne traite pas l’isolation psychique à l’origine des troubles de la concentration ne vise donc pas à soigner ces derniers. Elle ne peut que déplacer le combat intérieur dans de nouveaux symptômes, notamment de nouvelles obsessions et de nouveaux rituels.
Ainsi, la découverte freudienne de la névrose obsessionnelle et de l’isolation psychique est concomitante de la découverte de la psychanalyse, soit de la méthode pour la guérir : c’est en associant librement les pensées dans le cadre de sa cure que le patient peut découvrir les pensées insupportables qui nourrissent l’isolation psychique et les troubles de la concentration qui en résultent.
A Paris, en région parisienne et partout ailleurs, les problèmes de concentration se soignent grâce à la méthode des libres associations, soit dans le cadre d’une psychothérapie ou d’une psychanalyse.
N’hésitez pas à me contacter si vous souhaitez de plus amples informations sur le soin des problèmes de concentration et pourquoi pas, pour entreprendre le voyage qui permettra de découvrir le désir en souffrance qui les engendre.